Association Kan Jizai

"Etudier la Voie, c'est s'étudier soi-même
S'étudier soi-même, c'est s'oublier soi-même
S'oublier soi-même, c'est être en unité avec toutes les existences"
Maître Dôgen
 


 
La lettre et l’esprit

Le Bouddha a laissé de nombreux sûtras et les maîtres qui lui ont succédé de nombreux enseignements. Ces écrits sont de précieuses boussoles pour se repérer sur la Voie. Ils nous indiquent la direction à prendre et celle à éviter. Toutefois, pour reprendre un aphorisme zen bien connu, « ils sont le doigt qui montre la lune mais ne sont pas la lune ». En d’autres termes, si le Bouddha a tracé avec précision le chemin de la libération, ce n’est pas pour que nous nous contentions d’en avoir une approche théorique, tel celui qui se contenterait d’étudier le trajet pouvant le conduire d’une ville à une autre sans jamais se mettre en route, mais pour que nous marchions concrètement sur ce chemin, imitant en cela le Bouddha qui s’est assis sous l’arbre de l’éveil dans un total abandon du moi et du mien.
Depuis le Bouddha et à travers des générations de maîtres, ce qui est transmis, ce sont bien entendu des enseignements relatifs à la Voie mais, plus fondamentalement, la réalisation par expérience directe de ce dont ces enseignements sont la trace écrite. Cette transmission directe, i shin den shin, a commencé avec l’épisode où Mahakasyapa sourit au geste du Bouddha faisant tourner la fleur et s’est poursuivie, sous des formes différentes et jamais prévisibles, de maître à disciple au fil des générations. Cette transmission réalisation, c’est le cœur de la Voie. Viendrait-elle à disparaître que c’est la Voie du Bouddha qui serait menacée d’extinction. C’est bien pourquoi, dans le chapitre Gyoji du Shôbôgenzô, maître Dôgen s’alarme en ces termes de ce que « à l’époque de la venue du premier patriarche depuis le pays de l’ouest, il existe en Chine nombre de moines qui restent tributaires des sûtras et des traités, sans qu’ils se mettent à la recherche du vrai Dharma. Bien qu’ils les fréquentent, ils sont peu éclairés quant à leur signification et à leur portée. Cela provient non seulement du karma accumulé en cette vie mais aussi du karma négatif accumulé au cours de leurs vies antérieures. Durant la vie présente, ils n’entendront jamais l’arcane du Tathagata ni ne verront son véritable Dharma. Ils ne se feront pas éclairer par le visage originel transmis du Tathagata ni ne sauront manifester l’esprit de bouddha qui lui est propre. Ils n’entendront point le vent qui souffle depuis la maison de la multitude des éveillés ».
De ce passage aussi beau que profond, il ressort que le vrai Dharma ne peut exister que si, guidés par les écrits laissés par les Patriarches, des disciples s’adonnent avec foi et détermination à la pratique de la Voie sans laquelle les sûtras et les traités restent lettre morte, avec le risque, signalé par maître Dôgen, que « leur signification et leur portée » manquent de l’éclairage donné par la pratique/réalisation. En effet, « se faire éclairer par le visage originel » ne peut pas se faire à partir de la seule étude théorique ni non plus « entendre le vent qui souffle depuis la maison des éveillés ». Le doigt qui montre la lune ne pourra jamais être la lune.

En vous souhaitant un bonne pratique estivale.

Gérard Chinrei Pilet

(Juillet et août 2023)




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