Association Kan Jizai

"Etudier la Voie, c'est s'étudier soi-même
S'étudier soi-même, c'est s'oublier soi-même
S'oublier soi-même, c'est être en unité avec toutes les existences"
Maître Dôgen
 


 
Suivre les traces des Bouddhas

« Montagnes, rivières et Terre et nous sommes nés en même temps. Les Bouddhas des trois mondes et nous tous agissons ensemble ».
Commentant ces paroles d’un ancien Bouddha, maître Dôgen dit : « ne dédaignez pas ces paroles, même s’il est vrai que lorsqu’une personne naît, nulles montagnes, rivières et Terre nouvelles ne viennent s’ajouter aux montagnes, rivières et Terre déjà existantes. Même si vous ne comprenez pas ces paroles, ne les rejetez pas. Vous devez vous en enquérir et les étudier à fond. Puisqu’elles vous ont été transmises, vous devez les écouter et les mettre en pratique. Vous les comprendrez en vous demandant d’où vous venez, où vous êtes, où vous allez. Y en a-t-il un qui connaisse le début et la fin de sa vie ?
Même si nous ne connaissons pas notre origine et notre fin, il reste que nous sommes nés. Nous ne connaissons pas davantage les limites des montagnes, rivières et Terre en face de nous qui arpentons la Terre.
Ne protestez pas en disant que votre vie n’est pas la même que celle des montagnes, rivières et Terre. Employez-vous à mettre au clair ce que l’ancien Bouddha a dit que montagnes, rivières et Terre ont vu le jour en même temps que vous. C’est ainsi que les Bouddhas des Trois Mondes ont toujours exercé leur activité, réalisé la Voie de Bouddha et atteint l’Eveil ».
Les vérités de la Voie sont souvent beaucoup trop profondes et vastes pour rentrer dans les catégories étroites et les schémas logiques conçus par le mental. C’est pourquoi, au lieu de s’en tenir aux jugements péremptoires de celui-ci, maître Dôgen recommande « d’écouter » les enseignements reçus, c’est-à-dire de les recevoir sans à-priori et « de les mettre en pratique », c’est-à-dire de tester leur pertinence en les appliquant aux situations de notre vie. C’est sans doute cette capacité à faire un pas en arrière en laissant tomber tout ce qu’ils portaient en eux d’idées reçues importées de leur milieu et à mettre avec foi et patience leurs pieds dans les traces des pas de leurs prédécesseurs sur la Voie qui a permis « aux Bouddhas des Trois Mondes de réaliser la Voie ».
Ces grandes vérités de la Voie qui peuvent heurter le sens commun, c’est avec beaucoup d’insistance que maître Dôgen nous demande de les approfondir, « de les triturer », pour reprendre son expression. Ainsi, par exemple, c’est en devenant intimes avec la vérité selon laquelle « l’univers entier est notre corps véritable » que nous pouvons comprendre que « lorsque les bouddhas des Trois Mondes font naître leur esprit d’éveil et agissent, ils impliquent obligatoirement notre corps et notre esprit ». En effet, corps et esprit ne sont pas seulement un, ils sont également un avec l’univers. Ainsi donc, si par zazen et notre vigilance au quotidien, nous cessons de nous identifier au corps de chair éphémère que nous prenons par erreur pour « moi » ou « à moi », nous comprenons qu’entre nous et les Bouddhas des Trois Mondes il n’existe aucune séparation. Alors, des vérités qui heurtaient de prime abord le sens commun nous révèlent leur profondeur et nous ouvrent à la véritable dimension de notre existence et à celle de la Voie du Bouddha qui, comme le disait Nansen à son disciple Jôshu, « est aussi vaste et ouverte que l’immense espace vide ».
Comme nous pouvons le constater à la lecture des extraits ci-dessus cités, maître Dôgen déplorait que des disciples se retranchent derrière des arguments fallacieux pour se dispenser d’approfondir certaines grandes vérités de la Voie laissées par leurs ancêtres dans la pratique.
Gardons-nous de tomber dans le même travers.

Gérard Chinrei Pilet

(Novembre 2025)




Autres articles :